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Un code moral maçonnique (2)

Publié le par J. P. Bouyer

Dans le premier article de cette série, j'avais présenté le texte de la norme morale (Norma morum) proposée dès les premiers pas de la maçonnerie en France.

Restons au XVIIIe siècle pour examiner d'autres exemples de textes visant à exprimer une telle norme morale propre aux maçons.

Voyons par exemple cette espèce de code moral énoncé en 1766 (sous forme de serment) par Tschoudy :

Je promets devant le grand Architecte de l'univers & cette respectable assemblée, d'être fidèle à Dieu, à la religion que je professe, au Souverain dont je suis sujet, à ma patrie, à mes frères ; de les aimer de tout mon cœur, de les secourir de tout mon pouvoir, aux dépens même de ma propre substance, si le partage en est nécessaire pour leur soutien ; je promets de respecter la femme, la fille & l'amie de mon frère, d'être sage à tous égards dans ma conduite, prudent dans mes actions, modéré dans mes discours, sobre dans mes goûts, juste dans mes vues, équitable dans mes décisions, honnête dans mes procédés, humain, généreux, charitable envers tous les hommes, spécialement pour mes frères ; je promets d'obéir à mes supérieurs en tout ce qui me sera prescrit pour le bien & relativement à l'ordre auquel je voue mon attachement pour la vie. Je promets d'être discret & impénétrable sur tout tout ce qui va m'être confié, de ne jamais rien écrire, tracer, peindre, buriner, ni faire chose quelconque, qui puisse en occasionner la divulgation ...

l'Etoile flamboyante.

Quand la morale est en musique, on la retient avec plaisir, comme chantera à Douai vers 1807 le Frère Sirodot.

Le chansonnier maçonnique ne sera donc pas en reste.

La première édition de la Lire maçonne date de 1763.

On y trouve deux chansons portant le titre Préceptes maçons.

La première est un peu sommaire, mais elle comporte ce conseil (toujours d'actualité) : La trahison, la jalousie, n'entrent point chez les Francs-Maçons.

La deuxième prend comme titre dans les éditions suivantes Devoirs des maçons et se compose de 5 couplets qui sont autant de recommandations et de bons conseils :

C'est un Maçon,
Qui prend conseil de la Sagesse ;
C'est un Maçon,
Qui suit constamment sa Leçon
Si quelquefois il la transgresse,
De l'une ou de l'autre façon,
Mais, qu'à l'instant il se redresse,
C'est un Maçon.

C'est un Maçon,
Qui reprend doucement son Frère ;
C'est un Maçon,
Qui lui fait entendre raison.
Une morale trop sévère,
N'est pas exempte de poison ;
Tel qui corrige, & peut s'en taire,
C'est un Maçon.
 
C'est un Maçon,
Qui profite de la Critique ;
C'est un Maçon,
Qui sait mépriser son poinçon :
Qu'il soit l'objet du Satirique,
Ou d'une maligne Chanson,
S'il n'y fait aucune réplique,
C'est un Maçon.
 
C'est un Maçon,
Qui, sur son Art, reste en silence ;
C'est un Maçon,
Qui craint l'exemple de Samson.
S'il place bien sa confiance,
Sans redouter la trahison,
On doit exalter sa prudence,
C'est un Maçon.
 
C'est un Maçon,
Qui pour le Sexe est plein de zèle ;
C'est un Maçon,
Qui peut dissiper son soupçon ;
Un bon Père, un Époux fidèle,
Veillant au bien de sa Maison,
D'un parfait Ami le modèle,
C'est un Maçon.

Toujours dans la  Lire maçonne, on trouve ce portrait des maçons - qui figurera également au recueil de Sainte-Geneviève - où, sur l'air de deux Noëls (le charmant Laissez paître vos bêtes suivi de A la Venue de Noël), on chante :

Il faut que la justice
Règne en toutes nos actions,
En bannir le caprice,
Vaincre ses passions.
Etre prudent,
Doux, complaisant,
Toujours affable & bienfaisant,
Charitable envers l'indigent.
Observer le silence,
Ne point divulguer nos secrets,
Et de la médisance
Prévenir les regrets.

Fidèle à Dieu, bon Citoyen,
Généreux suivant son moyen,
Zélé, vertueux et discret,
Ami, voilà notre portrait.

Mais tout cela reste assez peu structuré. Dans le prochain épisode au contraire, tout en restant au XVIIIe siècle, nous rencontrerons une première formalisation systématique, qui prendra le titre de Règle maçonnique.

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