Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Un code moral maçonnique (3)

Publié le par J. P. Bouyer

La première grande manifestation maçonnique d'ampleur internationale eut lieu en 1782 : c'est le célèbre Convent de Wilhelmsbad. Il doit sa célébrité au fait qu'il a permis de jeter les bases de ce qui, sous l'impulsion de Willermoz, allait devenir le Régime Écossais Rectifié (RER).

Mais en fait il ne réunit qu'une petite cohorte de représentants de cette tendance maçonnique hyper-religieuse et mystique, qui, même si elle a beaucoup fait parler d'elle, fut toujours extrêmement minoritaire.

C'est au cours de ce Convent que fut établie une Règle maçonnique en IX articles, qui se voulait la première proclamation solennelle d'un code moral maçonnique. C'est un document très long (24 pages), qui me semble très indigeste et très prêchi-prêchant.

On peut trouver ici un abrégé de ses 9 articles.

Il en existe évidemment un texte allemand, qui à ma connaissance n'est pas disponible sur le web.

On trouve une traduction anglaise (d'après cette version allemande) aux pp. 318-323 et 390-393 (avec un résumé aux pp. 393-5) dans les n°s de novembre et décembre 1794 du Freemason's Magazine de Londres. Dans le New Free-mason's Monitor publié à New-York par James Hardie en 1818, on trouve (pp. 113-119), sous le titre Masonic precepts (extracted from the German) un abrégé assez semblable (mais un peu plus long).

Le document de Wilhelmsbad n'était destiné qu'aux loges "rectifiées", mais il est manifeste qu'il eut une diffusion beaucoup plus large.

J'ai par exemple découvert que, lors de la cérémonie de consécration du premier Temple des Amis Philanthropes bruxellois, en 1798, parmi les 8 maximes gravées dans des cartouches aux murs de la salle du parvis, 7 recopiaient (ou résumaient) des extraits de cette règle :

  • Maçon ! Ton âme est la pierre brute qu'il faut dégrossir
  • Plains l'erreur sans la haïr, et sans la persécuter
  • Si ton premier hommage appartient au maçon sublime qui érigea l'univers, le second appartient à ta patrie
  • L'univers est la patrie du maçon, rien de ce qui regarde l'homme ne lui est étranger
  • Tout ce que l'esprit peut concevoir de bien est le patrimoine du maçon
  • Maçon, si ton frère est dans le besoin, ouvre-lui tes trésors ; s'il est dans l'erreur viens à lui avec les lumières du sentiment, de la raison et de la persuasion
  • Instruire, conseiller, protéger, donner, soulager tour à tour, tels sont les devoirs du maçon

On remarquera la symétrie entre l'une de ces maximes, l’univers est la patrie du Maçon, & rien de ce qui regarde l’homme ne lui est étranger, et la célèbre maxime de Térence, Homo sum, humani nihil a me alienum puto (je suis un homme et rien de ce qui est humain, pensé-je, ne m'est étranger).

Ces 8 maximes se trouvent reproduites exactement en tête des Bluettes maçonniques, recueil publié à Paris au début du XIXe siècle.

Les Amis Philanthropes ont d'ailleurs eux-mêmes imprimé le texte de Wilhemsbad sous le titre Préceptes maçonniques à l'usage de la Respectable Loge régulière des Amis Philanthropes à l'Orient de Bruxelles. La lecture en était recommandée chaque jour de réception, afin de jeter dans l'âme des Récipiendaires les premières semences de la morale et des principes de l'ordre.

Je vous en joins le PDF.

Le texte continua par la suite à exercer une grande influence, comme en témoigne par exemple un texte publié par Marius Chastaing en 1836, Logos, discours à un nouvel initié, qui en constitue, pour une bonne part, une simple paraphrase.

Dans un prochain article, nous examinerons comment, dans les années 1830, la morale maçonnique se formalisera en préceptes.

Mais en attendant, nous examinerons encore l'une ou l'autre chanson du début du XIXe. Je les réserve pour l'article suivant, à l’exception de celle-ci, remarquable par la qualité de ses intervenants.

Il s'agit d'un cantique chanté lors de la Saint-Jean d'hiver 5809 de la Loge parisienne du Centre des Amis, cette loge qui pratiquait le Régime Ecossais Rectifié, qui fut réveillée en 1910 par Edouard de Ribaucourt pour ressusciter ce rite en France, et qui devint bientôt la Loge-mère de ce qui allait devenir la GLNF.

Cette tenue était présidée par un personnage illustre, Cambacérès, et la cantique, chanté par une vedette de la scène lyrique, le célèbre Bertin, de l'Académie Impériale de Musique, avait été écrit par un autre maçon célèbre, Bacon de la Chevalerie, un fanatique du RER quelque peu délirant.

En voici les 3 premiers couplets (les suivants ne sont que les traditionnels hommages aux Surveillants et aux Visiteurs) :

Frères qui voulez mériter 
De Maçon le titre honorable, 
Aux règles que je vais citer 
Faites un accueil favorable. 
Le vrai mérite des Maçons, 
Le seul qui soit digne d'envie, 
Est de propager les leçons 
Qu'inspire la douce harmonie.

Paraître discret en tous lieux, 
Garder à propos le silence, 
Et de nos Frères malheureux 
Soulager l'honnête indigence, 
Sont des vertus qu'un vrai Maçon 
Doit pratiquer toute sa vie. 
Ces fruits sont de toute saison 
S'ils sont produits par l'harmonie.

Être fidèle à son pays, 
Suivre les lois de sa patrie, 
Au chef suprême être soumis, 
De notre art voilà la magie. 
Si, dans la chaleur d'un discours, 
Parmi nous un Frère s'oublie, 
Nous avons aussitôt recours 
Aux sons flatteurs de l'harmonie.

Commenter cet article