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Rentrée des classes

Publié le par Jean-Pierre Bouyer

Le sujet de la semaine :

La rentrée des classes à l'

Qu’est-ce que la Franc-maçonnerie ? demandent certains Rituels.

A quoi certains catéchismes d'Apprenti répondent conventionnellement : C’est une école de Vertu et de Sagesse qui conduit au Temple de la Vérité, sous le voile des symboles, ceux qui l’aiment et qui la désirent.

Ce que dit en d'autres mots une chanson du XVIIIe siècle :

Nos Loges sont des écoles,
Où sont différents symboles,
Autant que par des paroles,
On apprend la vérité.

Cette identification de la maçonnerie à une école est courante dans le chansonnier maçonnique du XVIIIe.

Voyez par exemple en 1744 cet air extrait de la Cantatille de Louis Lemaire intitulée Les francs-maçons :

Sous nos pieds le vice abattu
Nous offre un triomphe facile ;
Le plaisir règne en cet asile,
C’est l’école de la Vertu.

Ou encore, dans cette chanson tirée du recueil édité en 1765 par la Loge (marseillaise ?) du Choix des Hommes libres :

Homme d'esprit frivole,
Qui croyez tout savoir,
Venez à notre Ecole
Connaître vos devoirs.

De très nombreux chansonniers reproduisent la chanson Fondement de l'Art dont un couplet nous dit :

Tel on voit le Maître des Maçons
Dans son illustre Ecole,
Eclairer, par ses sages leçons, 
Frères et Compagnons.

Le Tableau de l'Art Royal publié à Berlin en 1786 par Le Bauld de Nans nous assure que :

Des vrais Maçons l'Ordre sublime
Est l'école de l'amitíé.
Dans ses noeuds, formés par l'estime,
On voit la vertu, de moitié.

Au début du XIXe, on trouvera encore, dans le Code Récréatif des Francs-Maçons de Grenier en 1807, une Explication de la Maçonnerie et de ses emblèmes contenant les vers :

Dans nos Temples tout est symbole,
Tous les préjugés sont vaincus ;
La Maçonnerie est l'école
De la décence et des vertus.

Et, à la Saint-Jean d'Été 1803 de la Loge niortaise l'Intimité, le Frère Dépierris a chanté :

Précieuse institution !
École sublime de l'âme
Où le flambeau de la Raison
Et nous éclaire et nous enflamme.

Or donc, la franc-maçonnerie est une école.

Mais quel genre d'école ???

Car il y a différents types d’école.

L’une avec des examens, des contrôles de présence, des satisfecit, des sanctions, des coups de règle sur les doigts, des manches-à-balle, des tire-au-flanc, des mises en rang, des inspecteurs, des diplômes, des surveillants : une école où l’on cultive l’obéissance plus que la créativité. Une école où le cancre de Prévert est menacé par le maître et hué par les enfants prodiges.

Une autre école, c’est celle de nos Frères Ovide Decroly, Charles-Ange Laisant, Francisco Ferrer, Wichard Lange, … Une école où l’on va par plaisir parce qu’on sait qu’on y fera des choses intéressantes, et où l'on est content, après les vacances, de retrouver ses petits camarades. Une école où les élèves se sentent comme dans un jardin – un jardin d’enfants – d’enfants de trois ans. Où l’effort n’est pas le résultat d’une contrainte, mais où il se confond avec la joie de faire de nouveaux progrès.

Et votre Loge, auquel de ces deux types d’école ressemble-t-elle le plus ?

A une école du premier type ? celle où l’on mesure l’adhésion en termes de pourcentages de présence, où pour devenir Compagnon vous avez dû prouver votre connaissance de la Constitution de votre Obédience, où l’on regarde de haut les idées et les comportements qui ne sont pas homologués comme maçonniquement corrects, où l’on confond le devoir de transmission avec le formatage, où l'on aligne les discours moralisateurs et les augustes fadaises décriées en leur temps par Helvétius ou d’Holbach, où l’on considère que tailler la pierre brute c’est la rendre lisse, polie et sans relief afin qu’elle soit semblable aux autres et que les opinions dans la Loge soient unanimes ?

Il faut bien reconnaître que, historiquement, c’est parfois de ce côté-là qu’a penché la maçonnerie. Une chanson du XVIIIe le dit très clairement :

chérissons la Concorde … soyons toujours d'un seul et même avis.

Et au XIXe, on s’extasiait sur les dogmes de la franc-maçonnerie.

D’ailleurs, dans le mot Obédience, n’y a-t-il pas le mot obéissance ? Pour que le Grand Orient de France installe une Loge, il fallait, au XVIIIe, que ses membres prêtent solennellement ... l'obligation de rester soumis au Grand Orient. Et à l’installation d’une Loge à Paris en 1809, l’Orateur soulignait que la première vertu d'un Maçon est l'obéissance.

En maçonnerie, un des métaux à laisser à la porte de la Loge, n’est-ce pas la tentation de jouer au maître d’école, de trôner comme le Dieu le Père du Jugement dernier au portail des cathédrales, d’exercer un contrôle, un pouvoir, et d’utiliser ce pouvoir pour rendre les autres plus semblables à soi. C’est le mythe de Pygmalion.

Cette tentation est une constante de l’humanité, mais la maçonnerie m’y semble particulièrement exposée, et ce n’est pas pour rien que Pygmalion est parfois représenté (comme dans cette enluminure du XVe) outillé d'une équerre et d'un compas !

Tout d’abord parce que la maçonnerie se voue à la transmission, et qu’il est moins compliqué de transmettre la lettre que l’esprit et moins confortable de transmettre l’esprit critique que l’esprit de suivisme.

Ensuite parce que les structures maçonniques sont - particulièrement dans les régimes dits de hauts grades - fort catégorisées (et souvent avec une solennité destinée à en renforcer le prestige) en grades, qualités et fonctions : avec le risque que cela encourage certains à se voir comme des Maîtres à penser et d’autres à l’acceptation passive.

Tant il est vrai que bien des gens sont rassurés par l’obéissance comme ils sont rassurés par la religion, et que trop de maçons viennent en maçonnerie, non pour cultiver l’autonomie de la pensée, mais en espérant qu’on leur dise ce qu’ils ont à penser.

Alors oui, vive l’école, mais une école péripatéticienne comme celle d’Aristote, où l’on se promène en liberté dans le jardin des idées, des symboles et de l’amitié.

Je vous souhaite une bonne rentrée ... maçonnique.

P. S. : Comme nous l'a appris le blog Hiram.be (qui, entre parenthèses, a eu récemment la bonne idée d'abandonner son caractère payant), l'école dont l'image ouvre cette page se trouve à Saint-Etienne ; elle tire paraît-il son nom du fait qu’elle est sise à la rue des francs maçons (sans tiret), où une Loge avait jadis son local.

Commenter cet article
I
Une loge Le Choix des Hommes Libres a existé à Lyon , mais n'a été installée qu'en 1766<br /> <br /> Frat'aimé
Répondre
Oui, j'avais déjà noté cela à ma page<br /> http://mvmm.org/c/docs/dcdhl/dcdhl.html<br /> où j'explique pourquoi l'hypothèse marseillaise me semble la moins improbable