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Notre-Dame et les maçons

Publié le par J. P. Bouyer

Notre-Dame de Paris, patrimoine catholique, patrimoine parisien, patrimoine religieux, patrimoine national, patrimoine architectural, patrimoine universel ? Question sans doute oiseuse ...

Les identités, dirait Amin Maalouf, ne peuvent-elles donc être multiples et diverses, sans être meurtrières ?

détail du tableau de Jongkind (1852) Paris, Notre-Dame vue du quai de la Tournelle : n'était-elle pas plus belle sans la flèche de Viollet-le-Duc ?

Mais c'est l'occasion de rappeler que cette église a aussi été, le 20 juillet 1858, au cœur de l'actualité maçonnique.

L'épisode est relaté par Boubée dans ses Souvenirs maçonniques :

Le pontife qui règne sur les chrétiens, le pape actuel, entraîné par les vociférations de quelques frénétiques, avait, par une lettre de 1846, confirmé la bulle que quelques-uns de ses prédécesseurs avaient lancée contre les Francs-Maçons, bulle qui n'était applicable qu'aux sujets de l'État romain, ainsi que nous l'avons démontré, et qui cependant a occasionné tant de désastres, même dans les contrées les plus éloignées.
L'un des fanatiques du siècle, l'évêque de l'île Maurice, à peine installé sur son siège, publia un mandement dans lequel, après avoir dit que le Christ n'était point venu au monde pour apporter la paix, mais le glaive, il avait lancé l'excommunication contre tous les habitants de l'île qui pratiqueraient la Franc-Maçonnerie, ou qui, lui ayant appartenu, ne déclareraient pas solennellement s'en séparer.
Par suite de ce mandement, la sépulture religieuse avait été refusée à plusieurs Maçons, qui avaient cru devoir rester fidèles à une doctrine basée sur la morale de l'Évangile.
Les familles de ces Frères, doublement regrettés, eurent la pensée de faire demander au clergé de la cathédrale de Paris un service funèbre, dans lequel seraient récitées, pour eux, les prières que leur évêque leur avait refusées.
Cette demande, transmise au clergé de Notre-Dame, par le Frère Descombes, trésorier du Sénat, fut accueillie favorablement.

Cérémonie funèbre dans I'église de Notre-Dame, en faveur des Maçons excommuniés par l'évêque de l'île Maurice.

Une cérémonie funèbre et solennelle fut indiquée pour le 20 juillet 1858 ; la Maçonnerie française y fut invitée, et le prince Grand Maître fit convoquer extraordinairement, pour y assister, et le Grand Orient, et les membres du Conseil, et les Vénérables de Paris et de la banlieue.
« Cette imposante cérémonie, dit le Bulletin du Grand Orient, révéla au monde profane un phénomène du caractère le plus élevé. Il y avait là trois cents Maçons, graves, recueillis, et dans une attitude qui démentait hautement les accusations d'impiété dont leurs calomniateurs prétendent les salir, mais qui, en protestant de leurs sentiments religieux, affirment que pour eux la religion est indépendante et prescrit « la tolérance. »

Boubée, Souvenirs maçonniques, pp. 108-10

Il fit grand bruit et fut fort critiqué dans les milieux catholiques, où, selon Boubée, on accusa le Grand Orient d'avoir acheté (à un prix élevé : 6000 francs) cette autorisation.

Du coté maçonnique, on ne manqua pas de s'en féliciter et de féliciter son artisan, le Frère Descombes :

Mais, à propos de Notre-Dame, parlons aussi musique.

Vivat, vivat, semper vivat ?

C'est un franc-maçon, l'abbé Nicolas Roze, qui composa le motet Vivat in aeternum (qu'il vive éternellement) qui a été exécuté lors du sacre de Napoléon à Notre-Dame :

Patrimoine républicain ?

Et c'est un autre franc-maçon, François-Joseph Gossec, qui, quelques années plus tôt, avait composé la partition (malheureusement perdue) de l'Hymne à la Liberté interprété lors de la grande fête civique inaugurant à Notre-Dame de Paris, le 20 brumaire de l'an II (10 novembre 1793), le nouveau culte de la Déesse Raison.

Le texte (de Marie-Joseph Chénier) en débutait ainsi :

Descends, O Liberté, fille de la Nature !
Le peuple a reconquis son pouvoir immortel.
Sur les pompeux débris de l'antique imposture,
Ses mains relèvent ton autel.

La Fête de la Raison a été célébrée dans la Cidevant Eglise de Notre Dame

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