Chansons antimaçonniques (2/n)
En mai 2017, je vous avais déjà présenté une chanson antimaçonnique, particulièrement cocasse, celle que l'ineffable Léo Taxil attribuait à sa créature Diana Vaughan et à la vénération de celle-ci pour Jeanne d'Arc, qui avait miraculeusement sauvé du péché cette prêtresse palladiste.
En voici une autre, de la même époque, et tout aussi délirante.
Le déchaînement des autorités de l'Eglise, pape en tête, contre la maçonnerie battait en effet son plein à la fin du XIXe siècle. Dans son Encyclique Humanum genus en 1884, Léon XIII avait qualifié la secte des francs-maçons d'association criminelle ... menaçant les États des dangers les plus redoutables et invité ses fidèles à faire disparaître l'impure contagion du poison qui circule dans les veines de la société et l'infecte tout entière.
Comme le relate ici Yves Hivert-Messeca, Il n'avait pas manqué de zélotes pour se mobiliser à la suite de cet appel, multipliant les initiatives anti-maçonniques.
Les calembredaines que l'ineffable Léo Taxil était arrivé à faire gober pendant de longues années à un public de dizaines de milliers de naïfs (comprenant les plus hautes autorités de l'Eglise catholique, notamment le pape Léon XIII qui l'avait reçu en audience pour lui donner sa bénédiction), avaient largement contribué à cette mobilisation.
Celle-ci trouva un couronnement avec la convocation d'un congrès international antimaçonnique qui se déroula en 1896 à Trente (ville qui était alors encore autrichienne et qui n'a été récupérée par l'Italie qu'en 1918).

Le congrès réunit près d'un millier de personnes et fut notamment marqué par la création d'un Inno antimassonico (hymne antimaçonnique) - qui n'est qu'un des nombreux Hymnes et poésies écrits pour ce Congrès.

On en trouve ici la partition et le texte italien (de Giuseppe Poli) en est visible ici (sur un site intégriste particulièrement pittoresque, qui traite le pape François d'hérétique, fils de Lucifer et bête de l'Apocalypse et l'accuse de conspiration avec Poutine et les maçons pour établir le nouvel ordre mondial luciférien).
Le compositeur Edoardo Carlo Stefecius, qui était sans doute membre d'une formation musicale militaire autrichienne, n'a pas laissé grand souvenir dans l'histoire de la musique. On lui doit aussi une marche des pompiers du Trentin et c'est précisément un style particulièrement pompier qui caractérise son hymne antimaçonnique. Jugez-en plutôt en écoutant l'excellent fichier mp3 qu'en a séquencé Christophe D. sur la page correspondante du site (ce fichier vient d'y être ajouté, il n'était pas encore disponible lors de la mise en ligne de la page).
Voici la traduction de son texte :
Frères, levons nous ; la voix
De Léon (NDLR : Léon XIII évidemment) nous appelle sur le terrain :
Dressons confiants la Croix
Et combattons pour la Patrie et l’Autel.
Une secte cruelle est venue poser
Sur notre tête un pied tyrannique :
Avec audace elle nous opprime et piétine
dans l'espoir d'extirper notre foi.
Dormons-nous ? Oh quelle honte ! Secoue
Une fois l'indigne torpeur :
Insurgeons-nous tous, à cet impie
Opposons la ferme constance du cœur.
Que craignons-nous ? La victoire est sûre ;
Dieu le dit, et ses lèvres ne mentent pas :
Dressons-nous fiers et compacts, et de l’impure (secte)
Que la terreur coule sur les os.
Ne sommes-nous pas les descendants des forts
Qui résistèrent aux flatteries et à la fureur ?
Courage, élevons-nous en cohortes invaincues
Inspirés d'une noble hardiesse.
Levons-nous, et pour cette aimable et
Douce terre défions les périls :
Au lâche repos du faible
Nous préférons la mort du fort.
Qu'il ne soit pas vrai qu’un Repaire néfaste
Ne presse la tête des rachetés:
Que tombe brisé son jeu exécrable,
Sur nous Christ reviens régner.
Frères, levons nous ; la voix
De Léon nous appelle sur le terrain :
Dressons confiants la Croix
Et combattons pour la Patrie et l’Autel.

Déclaration de Principes
§ 1er. – La Ligue du Labarum, fondée à Paris le 10 novembre 1895, et s'inspirant des enseignements infaillibles du Pape, Vicaire de N.-S. Jésus-Christ et successeur de Saint Pierre, proclame que la Franc-Maçonnerie, Synagogue de Satan, est le grand Ennemi actuel de la Sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine.
En conséquence, la Ligue, due à l'initiative de Catholiques résolus à défendre leur Sainte Mère l'Eglise. même au prix de leur sang, prend le titre de Ligue du Labarum Anti-Maçonnique, Ordre Catholique Militant pour la défense de la Foi, des droits et des biens de l'Eglise contre la Franc-Maçonnerie. La Ligue entreprend, contre l'infernale secte, une guerre à outrance, défensive et offensive, qu'elle ne cessera qu'au jour du triomphe définitif de la Religion, c'est-à-dire au jour de l'avènement du règne social de Jésus-Christ reconnu Roi de France par les pouvoirs publics.
§ 2. – Les Fondateurs de la Ligue, bien pénétrés des vérités lumineuses répandues sur le monde par l'immortelle Encyclique Humanum Genus, ont considéré avec douleur l'immensité des maux et des ruines dont la Franc-Maçonnerie a été le principe pour l'humanité, et pour l'Eglise Catholique en général, et pour la France en particulier. Ils ont entendu la grande voix du Souverain Pontife Léon XIII, glorieusement régnant, appelant les peuples à secouer le joug de l'exécrable secte, dont les chefs scélérats sont de vrais suppôts de l'enfer. Ils se sont dit : « Le Pape nous convie à la lutte, par les moyens surnaturels et naturels ; nous ne serions pas dignes de notre nom de chrétiens, si nous fermions l'oreille à son appel si pressant et déjà plusieurs fois répété. L'heure a sonné des résolutions viriles. Le satanique Ennemi a juré de détruire jusqu'aux derniers vestiges de la Religion du Sauveur ; partout il s'avance, gagnant chaque jour du terrain et insultant tout ce que nous avons de sacré, dans la joie de sa victoire, due à la mollesse des Catholiques qui sont pourtant le nombre et se laissent opprimer. Eh bien, puisqu'il le faut, nous serons les victimes expiatoires ; nous serons les martyrs, dont le sang, versé avec bonheur,sera le remède à cet excès de mal ; nous serons les nouveaux croisés de la guerre à l'Ante-Christ maçonnique ; le cœur rempli de haine pour Satan et d'amour pour notre Roi Jésus, nous mourrons dans les délices du sacrifice, heureux si notre trépas arrête l'invasion infernale, la fait reculer et suscite des héros pour lui reprendre le terrain qu'une coupable indifférence lui a laissé conquérir. En guerre ! en guerre ! Puisque le Pape l'a dit, Dieu le veut ! »
§ 3. – Voulant atteindre leur but par les moyens les plus pratiques de la piété et du dévouement, les Fondateurs de la Ligue du Labarum ont approfondi et approuvé le programme d'études élaboré, les 1er et 2 août 1895 par le Comité National Français chargé spécialement de propager dans notre pays l'idée d'un prochain Congrès Anti-Maçonnique International, sous la présidence d'honneur de S. E. le Cardinal Parocchi, Vicaire de Sa Sainteté.
Ils ont médité ce programme d'études, et ils ont acquis la conviction inébranlable que, pour terrasser la satanique Franc-Maçonnerie, il est urgent de constituer contre elle une organisation permanente, avec toutes les forces vives qui voudront bien se consacrer à cette œuvre de salut.
Ils ont donc adopté ce programme, et ils en ont fait la base de leur action militante.

A lire : l'article d'Aldo A. Mola, La Ligue antimaçonnique et son influence politique et culturelle aux confins des XIXe et XXe siècles, dans l'ouvrage Les courants antimaçonniques hier et aujourd’hui (ULB 1993).
