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Krotenberg

Publié le par Jean-Pierre Bouyer

Un Frère compositeur :

Alain Krotenberg

Il m'est arrivé à plus d'une reprise de commenter sur le site les oeuvres maçonniques d'Alain Krotenberg, au fur et à mesure de la parution de ses CD.

Notamment celles-ci (qui ne sont malheureusement plus trouvables que sur le marché de l'occasion):

  • les 9 pièces (op. 24 à 32) de l'ensemble la colonne d'harmonie
  • les trois mélodies maçonniques pour mezzo-soprano et orchestre op. 7
  • la cantate op. 17 pour baryton-basse et orchestreintitulée La Légende d'Hiram

C'est en 2016 qu'Alain Krotenberg a pris la décision, puisque, selon ses propres termes (dont il faut saluer la grande probité !), il avait l'impression d'avoir dit l'essentiel de ce qu'il voulait exprimer sur des partitions, de mettre un terme à sa carrière de compositeur.

Il restait à ce moment quelques-uns des 33 opus de son œuvre qui n'avaient pas encore fait l'objet d'enregistrement.

Heureusement, ce manque se comble progressivement et 2 importants CD sont parus depuis lors.

Je m'étendrai particulièrement sur le premier (POL 701 133), puisqu'il contient (sur ce blog, je me concentre évidemment, quel que soit l'intérêt de ses oeuvres profanes, sur ses œuvres maçonniques), dans un enregistrement dirigé par Henry Wojtkowiak, sa Grande Symphonie judéo-maçonnique op. 33 ; le 3e mouvement de celle-ci met en musique un Hymne historique de la Franc-Maçonnerie dont le texte (de Jérôme Touzalin) est alternativement récité (par Gérard Beureux) et chanté (par la voix d'alto de Veronika Hajnova).

J'ai choisi de vous en proposer deux extraits particulièrement significatifs.

Le premier a pour texte :

Là, entre l’équerre et le compas, chaque homme devient un Frère et chaque Frère s’écoute en Frère.

cliquez ci-dessous pour l'entendre.

Le deuxième correspond au finale, sur le texte :

Du plus profond de la nuit des temps, il est des hommes qui se donnent la main et font enfin la paix avec les hommes.

Cliquez ci-dessous pour l'entendre.

Tout ce mouvement est disponible sur Youtube.

En voici l'intégralité du texte, qui est dû à Jérôme Touzalin.

Du plus profond de la nuit des temps, les hommes ont espéré que l’homme ferait la paix avec les autres hommes.

Du plus profond de la nuit des temps, les hommes ont cherché une réponse à leurs interrogations devant le mystère de cette vie qui nous fait être.

Des fils de Dieu, des prophètes, des mystiques, des grands prêtres, tous ont montré des chemins, tous ont affirmé détenir la loi unique pour conduire l’humain.

Mais tous ont échoué à instaurer la paix, et les mains au lieu de se serrer les unes les autres ont continué de frapper et de tuer.

Tous ont échoué à apaiser les tourments de l’existence et l’absence d’une réponse véritable n’a fait qu’accroître l’angoisse des hommes.

Et les esprits n’ont cessé de s’affronter, le sang a continué de couler et les larmes de se répandre sur le triste sort des vivants.

Alors, bannissant les ancestrales superstitions, dépassant révélations et religions, des hommes nouveaux sont apparus : les Francs-Maçons.

Là-bas, dans les brumes anglaises, ils ont bâti des temples, en ont ouvert les portes pour y faire entrer l’esprit et triompher la raison.

En révolte contre les guerres de religion, en révolte contre l’intolérance politique, ils sont là pour que se taisent les armes.

A l’imitation des Frères compagnons de métier, ils ont bâti des sociétés spirituelles pour se connaître et se comprendre.

Sous l’unique loi, celle énoncée par le Pasteur Anderson, obéissant à ses principes de tolérance, de respect et de paix,

Nobles et roturiers, artisans et intellectuels, sur les mêmes bancs, côte à côte, dans une parole universelle.

Là, entre l’équerre et le compas, chaque homme devient un Frère et chaque Frère s’écoute en Frère.

Là, rassemblés au long du XVIIIe siècle, les Francs-Maçons ont fait triompher le respect et la protection de l’autre afin de porter plus loin l’aventure humaine.

Puis leur idée a franchi les mers, atteignant le continent, de proche en proche, à travers l’Europe, trouvant, là encore, des esprits éclairés pour se propager.

Les encyclopédistes des lumières, les philosophes, les libres-penseurs, tous ont contribué à cette idée nouvelle que l’homme peut être en paix avec l’homme.

Leurs idées tout au long du XIXe siècle ont conquis l’Europe occidentale, puis ont progressé dans l’Est, touchant même à l’orient lointain, partout où l’homme, épris de savoir, de culture a porté ses pas.

Et là, cette pensée humaniste a rassemblé dans le vaste cercle de la communauté humaine, tout ce qui est épars dans la richesse de toutes les cultures du monde.

Le projet est grand, l’action est noble, la lutte difficile, car les forces obscures se sont dressées et se dressent encore pour empêcher les Frères de progresser.

Les églises, les monarchies absolues, les pouvoirs autoritaires, l’ensemble des dictatures, tous ont essayé de faire taire cette voix nouvelle.

Pendant les guerres du XXe siècle, des Frères ont payé de leur vie la défense de la liberté de penser, d’agir, de créer ; ils ont versé leur sang mus par le désir d’unir l’homme aux hommes.

Aujourd’hui encore des Frères sont interdits de se réunir et se rencontrent la nuit, dans des temples de fortune, au péril de leur liberté ou de leur vie.

Mais l’Idée maçonnique ne s’arrêtera pas ... elle demeure, dans une vaste chaîne d’union, inébranlable à jamais.La Maçonnerie est définitivement l’union heureuse de la spiritualité et de la raison, l’expression unique et pacifiée de l’amour des hommes.

Du plus profond de la nuit des temps, il est des hommes qui se donnent la main et font enfin la paix avec les hommes.

judéo-maçonnique ?

Pourquoi avoir donné à cette symphonie le titre judéo-maçonnique, alors même que son texte, s'il parle de maçonnerie, n'évoque en rien la judéité ?

L'expression judéo-maçonnique n'est en effet couramment utilisée que péjorativement, pour qualifier le (prétendu) complot imaginé par la littérature conspirationniste, légende entretenue par la parole du pape Pie IX qui définissait en 1873 la maçonnerie comme la synagogue de Satan.

Il est possible qu'on puisse voir dans ce choix de titre un geste de défi, où le compositeur revendique à la fois, avec fierté, ses origines juives et son option maçonnique, qui représentent deux éléments fondamentaux de sa personnalité, l'un inné, l'autre choisi (rappelons à ce sujet la phrase de Pétain : Un Juif n’est pas responsable de ses origines ; un franc-maçon l’est toujours de son choix).

NB : il faut absolument lire sur cette question la remarquable analyse de Pierre-André Taguieff L’invention du « complot judéo-maçonnique ». Avatars d’un mythe apocalyptique moderne parue dans la Revue d’Histoire de la Shoah en 2013 (n° 198).

Je m'en voudrais de ne pas également vous toucher un mot de l'autre CD (POL 702 150) paru après 2016, toujours sous la direction d'Henry Wojtkowiak et avec les voix de la soprano Anne-Frédérique Fullhard, du ténor Jean-Christophe Grammont, du baryton Emmanuel Sibille et d'un choeur d'enfants : 

Il contient en effet une oeuvre dont, même si son titre n'est pas explicitement maçonnique, le texte (également dû à Jérome Touzalin) n'est pas dépourvu de références maçonniques, comme en témoigne cet extrait :

Le lien qui rattache hier à demain,

La tradition qui éclaire sur le chemin

Qui découvre l'équerre qui éloigne les ombres du doute,
Le compas qui s'ouvre sur l'esprit humain.


C'est l'Ode à l'Europe Nouvelle Op.14.


En voici le début :

Des plaines de la Beauce aux plaines d'Ukraine,
Des côtes de Cornouailles aux monts d'Oural,
Nous te saluons, Europe nouvelle

Du cercle polaire aux rives siciliennes,
Des forêts scandinaves aux rivages d'Attique,

Nous te saluons Europe.

Cliquez ci-dessous pour l'entendre.​

Parmi les œuvres maçonniques d'Alain Krotenberg qui n'ont pas encore été enregistrées, il faut mentionner :

- Opus 10 : La Sophia, opéra maçonnique en 3 actes (2002, réorchestré en 2017).

- Opus 18 : Ténèbres et Lumière, Oratorio pour ténor, baryton, basse et orchestre (2008), dédié à la G.L.D.F. sur un texte de Jean-Bernard Levy.

- Opus 19 : Le Chevalier armé pour le combat de la vie, Oratorio pour 3 ténors, 1 soprano, 
1 baryton, 1 baryton-basse, 1 basse, chœur de 7 enfants, harpe et orchestre (2009), dédié initialement à la GLNF, maintenant à toutes les obédiences Maçonniques nationales et internationales. Texte de J.B. Levy et J. Touzalin.

Aux dernières nouvelles, un enregistrement de La Sophia serait en préparation.

Galerie de portraits

Alain Krotenberg

Henry Wojtkowiak

Veronika Hajnova

Jérôme Touzalin est maintenant le Grand Maître de la  Grande Loge de l’Europe et de la Méditerranée qu'il a créée récemment.

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