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Chant des Surveillants 2c

Publié le par Christophe D.

le Chant des Surveillants, partie 2 : les adaptations françaises

c) Réutilisations et arrangements

(Voici la 4e et dernière partie de l'étude que Christophe D. a bien voulu consacrer aux diverses versions du Chant des Surveillants ; vous pouvez retrouver ici l'épisode précédent. JPB)

Dans l'édition 1762 du recueil des Chansons des francs-maçons. Vers, discours et règlements, désigné au site comme le Recueil de la veuve Joly, nous trouvons, à la page 9, un chant des Surveillans, sous-titré Histoire des francs-maçons. Une référence explicite, donc, à la chanson des Constitutions d’Anderson. Le texte est exactement le même que celui utilisé par La Tierce et Naudot, traduit de l’anglais par Lansa et La Tierce d’après les documents référencés plus haut.

La musique, par contre, est originale. Pas de ressemblance avec les trois précédentes. Hormis la forme, donc la présentation pour un chanteur puis pour le chœur.

On retrouve une tonalité mineure comme dans le chant anglais, mais Mi mineur cette fois. Une ligne d’accompagnement est écrite pour les deux parties. Cependant, le chœur est réduit à une seule voix d’hommes, sans distinction de registre.

L’auteur n’est pas mentionné.

Nous apprenons bien souvent davantage de la maçonnerie par des divulgations non autorisées que par les écrits maçonniques eux-mêmes. Ainsi, en est-il des Secrets De L'Ordre Des Francs-Maçons Dévoilés & mis au jour de l’abbé Pérau.

A la page 43, nous retrouvons la même musique que celle du Recueil de la veuve Joly, tout comme ici.

La tonalité est de Ré mineur cette fois. La forme et le texte sont identiques. La musique est écrite pour voix de basses (solo et chœur), en clé de fa. Sans polyphonie vocale, ni accompagnement.

Adaptations

De tous temps maçonniques, les chansons à la mode (on parlerait de tubes aujourd’hui) ont servi de support à de nouvelles paroles en lien avec le rituel. Raisons de facilité : inutile de chercher un compositeur et l’air est tellement connu que les Frères, sans être musiciens, peuvent le chanter.

On verra ici un exemple d’actualité sur la réutilisation d’un air connu avec des paroles adaptées à un contexte de loge (l’humour n’en étant pas forcément absent).

Les versions du Chant des Surveillants, celles de La Tierce ou Naudot, ont servi de support à de nouvelles chansons. Textes et musiques disponibles sont parfois recombinés ou recomposés partiellement.

Ainsi, à la page 13 de La lire maçonne pouvons-nous découvrir la chanson L’excellence de l’ordre.

Les paroles des six couplets ont été totalement réécrites, bien que leur contenu évoque l’histoire de la maçonnerie reprise du chant du Surveillant des Constitutions d’Anderson et de sa traduction dans le recueil Lansa/La Tierce (Chansons originaires des francs-maçons).

Par contre, l’énoncé du refrain chanté après chaque couplet par le chœur, est identique à la traduction de La Tierce.

La musique est, en tous points similaire à celle du Chant des Surveillans signée par le Frère la Tierce.

Une autre chanson reprend comme titre l’incipit Nous seuls des secrets des maçons. Les paroles sont strictement les mêmes que celles du chant précédent. La musique, cette fois, est de Naudot (ou recueillie par lui), ce qui explique les différences mentionnées au site : La même chanson, sous le titre l'Excellence de l'Ordre, figure à la Lire maçonne, avec les mêmes paroles (à l'orthographe près!) et à peu près la même musique (quelques différences dans le refrain).

Le changement de titre, surprenant, puisque les paroles sont semblables, indique que la chanson est différente aussi sur un autre plan. Et c’est l’utilisation de la version musicale, qui le justifie !

La page du site rajoute plus loin : Fleury se dit l'auteur de ce texte. Ce qui est expliqué sur une autre page : (Fleury) avait également commis quelques partitions, et d'autre part (à moins qu'il ne se soit paré de plumes qui n'étaient pas les siennes) il avait participé à la confection du chansonnier de Naudot, toutes choses qui, à notre connaissance, n'ont jamais été relevées par les historiens.

L’identification des paroliers et des compositeurs de cette époque dans le registre maçonnique, qui nous intéresse, est toujours difficile à réaliser. Des raisons de droits d’auteur pas encore légalisés, une habitude de reconnaissance non systématique et peut-être aussi simplement la discrétion, peuvent expliquer cette difficulté.

Quelques considérations musicales.

La forme

La forme des chansons présentées se trouve être la même : un couplet chanté par une voix seule et, en alternance, le refrain repris par le chœur des Frères rassemblés. Cette forme musicale est majoritairement utilisée dans tout le chansonnier maçonnique. Des statistiques prouveraient à n’en pas douter, la prédominance de cette présentation. Sans prétendre que la maçonnerie ait inventé cette forme, la tradition l’a largement utilisée. Le bon sens en donne les raisons. Lansa, dans sa préface aux Chansons originaires des francs-maçons l’affirme explicitement.

Il se réfère directement aux loges anglaises, les plus nombreuses à l’époque, qui respectent à la lettre et à la note, les chansons des Constitutions d’Anderson. Et aussi, comme le montrent les deux extraits ci-dessous de l'édition 1749, aux qualités musicales, un peu défaillantes, des Frères français !

Et d’indiquer (ci-dessous extrait de l'édition 1747) une méthode pour bien chanter en loge :

La forme de ces chants des Surveillants et de la majorité des chansons contenues dans le chansonnier maçonnique, met en avant le talent d’un Frère musicien. Il doit être expérimenté et bon technicien, pour interpréter seul les couplets. La partie chorale, qui suit, est chantée par l’ensemble des Frères de la loge. Bien que cette deuxième section soit plus facile à travailler, à retenir et à exécuter, Lansa conseille d’encadrer l’enthousiasme des Frères par des « guides ». On parlerait aujourd’hui de « chefs de pupitre » !

Les clés et la lecture des partitions anciennes

Un problème, qui se présente au maçon, profane en musique, est la lecture des partitions anciennes. Si le codage solfégique au XVIIIe siècle est bien fixé, il reste néanmoins des conventions, qui ne sont plus usitées de nos jours.

Ainsi en va-t-il des clés en début de portées.

Nous avons vu plus haut que La Tierce et Naudot pour écrire une mélodie assez proche utilisaient respectivement deux clés différentes. La clé de sol  pour Naudot :

et la clé d’ut Ière ligne  pour La Tierce :

La clé d’ut 1ère ligne est assez peu employée aujourd’hui (à part certains instruments transpositeurs et les études d’écriture musicale classique : harmonie et contrepoint).

Dans le cadre de la scolastique traditionnelle, la clé d’ut 1ère ligne est dévolue à la transcription des voix aiguës de femmes (les sopranos). Il est déconcertant pour un musicien du XXIe siècle de lire cette musique maçonnique rédigée exclusivement pour des voix (graves) d’hommes avec cette clé ! Dans tous les chants étudiés, il apparaît que les compositeurs au début du XVIIIe siècle écrivent la mélodie sans souci de tessiture. Ut 1ère ligne est la clé d’usage à l’époque.

L’emploi de la clé de sol s’est généralisé ensuite. Les chansons ont été réécrites avec elle. Une modernisation probablement venue d’Italie comme le suggère la couverture de l'édition 1762 du Recueil de chansons des francs-maçons dit de la veuve Jolly :

La clé de sol est devenue depuis d’une utilisation universelle.

Aucun changement par contre pour la clé de fa, toujours dédiée aux voix et instruments graves.

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